Théâtre Auditorium de Poitiers : La saison culturelle sous le signe de la renaissance

Saison culturelle du TAP 2020-2021 - cc Guillaume Chiron
Saison culturelle du TAP 2020-2021 – cc Guillaume Chiron

Plus de 100 jours se sont écoulés depuis la fermeture au public du Théâtre Auditorium de Poitiers. Malgré les portes closes, les équipes du TAP s’activent pour maintenir leurs activités. Oriane Merceron, médiatrice culturelle, témoigne

La pluralité des activités de médiation

Figure du paysage culturel de Poitiers, le TAP est le théâtre de représentations pluridisciplinaires. A travers la danse, la musique ou encore le cirque, l’établissement s’engage à montrer l’étendue de la création contemporaine nationale et locale sur les territoires. Ses missions sont multiples : diffuser, aider à la création / production et démocratiser la culture.

Oriane Merceron est médiatrice culturelle au TAP. Avec quatre autres médiateurs, elle fait le lien entre les artistes et le grand public. Son objectif est de mettre en place des actions de sensibilisation, faire découvrir à la fois le spectacle vivant et le cinéma ainsi que travailler avec des futurs professionnels. C’est auprès d’un large panel que les médiateurs communiquent, de l’école élémentaire à l’EHPAD en passant par le public en situation de handicap, les structures d’insertion et les secteurs de la jeunesse.

La crise sanitaire ne permettant pas au TAP d’accueillir le public, les médiations se multiplient dans les établissements, qui peuvent quant à eux, accueillir des artistes. Au foyer de logement « La rose d’Or », l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine est intervenu pour proposer des activités de rythmes et de chants aux résidents. « C’était chouette », souligne Oriane. Conférences, ateliers, interviews, c’est par un ensemble d’activités maintenues auprès du public, que la méditation poursuit son bonhomme de chemin.

 

Récit d’une balade martienne revisitée

Chroniques martiennes, annulé ©TAP

« Chroniques martiennes » est un recueil de nouvelles de science-fiction, paru dans les années 1950, dont l’origine revient à l’auteur Ray Bradbury. Les nouvelles retracent la conquête de la planète Mars par les Terriens. C’est ce projet que la compagnie locale Le Théâtre dans la Forêt a choisi d’interpréter sous des formes théâtrales et radiophoniques.

Le TAP et la compagnie ont articulé le projet « Balades martiennes » en collaboration avec des habitants de quatre communes de Grand Poitiers et des étudiants de l’École Européenne Supérieure de l’Image (ÉESI). Afin de créer une version radiophonique, la compagnie est intervenue auprès d’habitants volontaires pour l’adaptation de leurs textes respectifs. Ceux-ci étaient ensuite enregistrés au sein du TAP, puis rendus disponibles dans les médiathèques des villes participantes.

En parallèle, des étudiants de l’ÉESI ont travaillé à la fois l’habillage sonore et l’habillage plastique afin de créer une atmosphère autour de ces récits. Pour chaque commune, une installation a été pensée. A Ligugé, les habitants ont conté la nouvelle « Le Matin vert » : l’histoire d’un homme, qui, par manque d’oxygène, décide de planter des arbres sur Mars. Un jour, la pluie commence à tomber, et les arbres commencent à pousser. L’étudiante de l’ÉESI qui a travaillé sur le sujet, a imaginé un divan de bois pour écouter la version radiophonique de cette nouvelle. Sous ce divan, une petite végétation pousse doucement, en écho aux arbres gigantesques décrits dans la nouvelle. « À chaque commune, sa nouvelle et son installation originale, celles-ci sont visibles qu’au mois de juin dans les médiathèques. »

Adapter la programmation face à un avenir incertain

Extrait de l’enregistrement Colors in the street © Colors in the street

Face à l’impossibilité de mettre en place des représentations devant un public, il a fallu également repenser la programmation. Pour chaque annulation de spectacle, l’équipe chargée de la programmation réfléchit à son report, à son annulation ou à son traitement numérique (enregistrement, captation…). Les espaces du TAP n’étant pas utilisés par les spectacles, le TAP accueille les artistes pour des enregistrements dans l’auditorium. Le TAP démultiplie également l’accueil d’artistes en résidence. Il a récemment accueilli « Colors in the street » pour son dernier enregistrement dont le groupe a eu l’initiative.

Des paramètres à prendre en compte

Autour de cette réflexion, les équipes « prennent en compte plein de paramètres ». Le planning de certaines compagnies étant bouclé, il n’est pas toujours possible de reporter leurs représentations. « L’idée c’est d’avoir une saison qui s’équilibre », informe Oriane. Selon elle, les spectacles doivent s’inscrire dans les thématiques se dégageant de la saison. C’est dans ce contexte que la programmation pour la prochaine saison culturelle est sur le point d’être bouclée.

Afin de pallier ces problématiques, les outils numériques permettent également de subvenir aux besoins. C’est à travers une plateforme, que le « Poitiers Film Festival » a été maintenu en partie. Accessible et gratuite, la plateforme permit à un grand nombre de personnes de visionner les longs et les courts métrages sélectionnés. Le public a ensuite voté pour ses films préférés dans le but de remettre « les prix du public » aux lauréats. Les jurys, tous maintenus pour l’occasion, ont également décerné leur prix après délibération sur des plateformes collaboratives. Le « Poitiers Film Festival » s’est terminé autour de multiples vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Le succès de ce projet était tel que le TAP ouvre le débat sur cette forme, qui permet d’élargir les publics notamment avec en termes de médiation. C’était « une vraie réussite », confie Oriane.

« On commence à anticiper et à avoir des plans A, B, C, D… E, en fonction de ce qui est dit. »

TAP - Théâtre Auditorium de Poitiers - cc TAP
TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers ©TAP

Pendant un court laps de temps, en début d’année scolaire, le TAP était encore
accessible au public. Comme les autres établissements, il a fallu adapter les lieux pour
répondre aux normes sanitaires. Avec l’adoption du masque et du gel hydro-alcoolique, les spectateurs devaient parcourir un circuit, de façon à « ne pas stagner à un même endroit ». Concernant ces mesures, elle ajoute : « Les gens de la même famille pouvaient s’asseoir à côté mais lorsque c’était des inconnus, il fallait séparer d’un fauteuil, ce qui faisait que le TAP était rempli à 2/3 de la jauge. » Ainsi, des salles qui ont une capacité habituelle de 700 personnes ne pouvaient en accueillir que 500.

L’incertitude planant autour de la crise, « on commence à anticiper et à avoir des plans A, B, C, D… E, en fonction de ce qui est dit ». C’est une démarche qui demande plus de temps de réflexion et d’anticipation. Il est « difficile de se projeter pour les équipes ». En l’absence de décision du gouvernement, la direction du TAP a pris la décision de ne pas rouvrir avant les retours des vacances d’hiver, permettant « une meilleure perspective d’avenir »

Un avenir que la crise nous invite à repenser. C’est l’occasion pour le service médiation, de réfléchir aux projets futurs, de « se remettre en question » et de réfléchir à atteindre de nouveaux publics. Au sein du TAP, des projets suivent leur cours : une visite virtuelle qui permettra au spectateur d’être le héros et de pouvoir faire des choix d’évolution, un gros projet de végétalisation du bâtiment par l’artiste et botaniste Thomas Ferrand « et toujours des accueils en résidence, des enregistrements, des rencontres professionnelles… ». D’ici là, pour soutenir le TAP, Oriane incite à se « tenir prêt » quant à une nouvelle réouverture. Le temps viendra où le public pourra se réapproprier les lieux, pour le plus grand plaisir du monde de la culture.

Entretien avec Oriane Merceron, le 5 Février 2021

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