
« On ne naît pas femme : on le devient » – Simone de Beauvoir
Cette citation a marqué bien des esprits. Devenue le slogan du mouvement féministe, cette phrase, à l’image de sa créatrice, n’est pas tombée dans l’oubli. Elle reflète l’éternel combat de la place de la femme dans une société désireuse d’égalité entre les genres, sans distinction. Cette phrase, lourde de sens, signifie assez clairement que, lors de notre naissance, le statut de femme n’est pas acquis. Elle souligne donc que c’est une chose qu’on apprend, qu’on travaille et qui s’acquiert avec l’expérience. Ce n’est donc, par la force des choses, pas une chose innée. Mais être une femme, qu’est-ce que cela veut dire ?
Définition par la culture
Dresser le portrait de ce que doit être une femme est assez délicat mais le monde s’en est chargé en nous inculquant depuis notre plus jeune âge une liste d’éléments qui définissent une femme. En préquel, il semble juste de préciser que, pour être une femme, il est nécéssaire d’être de genre féminin donc d’avoir une poitrine et un sexe féminin.
- Tout en haut de cette liste, on retrouve les menstruations. Doux cadeau de la nature, les menstruations, plus couramment appelées règles, sont censées être le signe du passage dans la cours des grands. C’est le pas en avant, celui qui fait passer une personne du statut de jeune fille à celui de femme. Cela est avant tout un signe de maturation. Les règles sont là pour signifier que le corps est prêt à porter la vie en son sein. Il faut savoir que les premières règles apparaissent généralement aux alentours des 13 ans mais c’est un âge assez variable puisque deux corps n’évoluent jamais de la même façon. Cela signifie donc qu’une personne devient une femme alors qu’elle n’a que 13 ans et qu’elle est toujours sur les bancs du collège à réciter les verbes irréguliers en classe d’anglais.
- Seconde case de la liste : le désir. Toujours sur les bancs du collège, la classe se trouve devant un cours primordial : le cours d’éducation sexuelle. Le cours est important, il est là pour informer des risques de la sexualité alors que l’âge de la majorité sexuelle n’est pas encore atteint pour tous. A cet âge, beaucoup ont déjà expérimenté la masturbation. En grandissant, le corps réagit et, parfois, exprime certains besoins. Si certains se butent et refusent de se laisser tenter, d’autres foncent et essaient, se découvrent et découvrent les sensations que cela procurent. Dans de nombreux cas, la masturbation n’entre pas au programme du cours d’éducation sexuelle. En règle générale, l’intervenant va parler du désir des garçons, de l’attrait pour le sexe qu’ils éprouvent mais qu’en est-il des filles ? Un diktat se pose alors : on n’en parle pas, c’est un sujet tabou. En taisant le sujet, on assimile donc que le désir est purement masculin, coupant les ailes du plaisir féminin. N’est-ce pas ici une façon de dire qu’une femme ne ressent pas de désir ? Que ce n’est pas propre à sa caste mais à celle des hommes ?
- Troisième élément de la liste : l’apparence. Durant l’adolescence, les hormones sont en ébullition et le corps ne s’ennuie pas. Avec les règles et le désir apparaissent les poils. Cette chère pilosité qui sait faire parler d’elle. Si on apprend qu’être un homme c’est avoir une pilosité assez développée que ce soit sur le visage, les jambes, le torse ou encore le pubis, être une femme devient synonyme du contraire. A 13 ans à peine, alors que l’on se construit mentalement, le poil devient la bête noire. Qui n’a jamais entendu sur les bords de la piscine lors des cours de natation une phrase du style « beurk, elle a des poiles sur les jambes, elle ressemble plus à un homme qu’à une femme » ? Si le fait d’être glabre devient synonyme d’être femme, le monde s’amuse à ajouter le maquillage qui, comme son nom l’indique, maquille l’âge pour faire apparaître une personne toujours plus jeune, toujours plus sensuelle et désireuse sans tomber dans le trop pour ne pas paraître vulgaire ou prostituée.
- Un quatrième élément fait suite à ce troisième point de la liste : la réputation. Dans un monde où l’apparence l’emporte souvent au travers d’événements comme les élections de Miss, une femme doit se respecter, elle doit maintenir une certaine réputation, une certaine apparence sociale faisant d’elle un être tout ce qu’il y a de plus respectable. Femme, maîtresse de la féminité capable de s’occuper des enfants, de la cuisine et de la maison tout en étant désirable pour son époux ou son conjoint. La femme ne doit pas s’habiller de façon vulgaire sans quoi elle apparaîtra comme une femme aux mœurs légères et sera alors considérée comme prostituée ou fille facile.
Définition par la contre-culture
Si le monde a posé ses conditions pour définir la femme, il est assez intéressant d’observer que cette dernière est assez controversée. En mettant la femme derrière les fourneaux avec la place de mère de famille respectable, la culture a donné naissance à une autre définition de la femme, une définition allant contre les idées que les hommes ont établies.

En 2020, une journaliste ukrainienne et un photographe français, Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, ont lancé le projet « Woman ». Ce projet vise à réfléchir sur que peut être une femme sans tenir compte de sa nationalité, de sa couleur de peau, de son attirance sexuelle… Ce projet recueille les témoignages d’environ 2000 femmes se trouvant dans plus de 50 pays différents. Ces témoignages de femmes du monde présentent des sujets les touchants avec force. On y retrouve notamment la féminité, les violences sexuelles mais aussi des sujets comme l’avortement ou le cancer du sein. Au terme de la bande annonce de ce projet titanesque, on peut voir différentes femmes définir ce qu’être une femme signifie. On retrouve, notamment, les termes suivants : guerrière, avant-gardiste, féministe, battante, sans peur, exigeante, qui aime la vie, dynamique, joyeuse, héroïque et libre.
Cette définition de la femme est inclusive à l’instar de sa version offerte par la culture. En effet, en excluant de la définition de la femme une grande partie des traits physique, le fait d’être une femme devient accessible aux hommes. C’est donc une porte ouverte à la légitimation des femmes transsexuelles. Ces dernières peuvent donc se reconnaître dans l’image de la femme, une chose que ne leur était pas permise par la définition dite « normale ».
La femme dans l’actualité
En 2020, JK Rowling a partagé dans un tweet un article consacré à « la création d’un monde post-Covid pour les personnes qui ont leurs règles ». Ce partage a été accompagné du message suivant : « ‘Les gens qui ont leurs règles.’ Je suis certaine qu’il existe un terme pour ces personnes. Wumben? Wimpund? Woomud? »
En une phrase se voulant humoristique, JK Rowling a réduit la femme à un vagin et des menstruations. Rapidement, une véritable polémique a agité les réseaux sociaux et de nombreux internautes se sont insurgés. Réduire la femme aux menstruations, c’est oublier la transidentité et, par la force des choses, faire preuve de transphobie dans un monde où les personnes transsexuelles peinent déjà à affirmer leurs droits. A la suite de ce tweet, plusieurs acteurs de la saga dont Emma Watson (interprète d’Hermione Granger), Daniel Radcliffe (interprète d’Harry Potter) et Rupert Grint (interprète de Ronald Weasley) ont répondu en proclamant qu’une femme transsexuelle était une femme et qu’il ne fallait pas s’acharner contre l’auteure aux propos bancales.
Cependant, si le tweet a su résonner à grande échelle, le problème de transphobie existe toujours et la définition de la femme se pose toujours comme le laisse apparaître les commentaires haineux sous les publications de femmes transsexuelles. Si on se donne la peine de scroller un peu sur les réseaux, il n’est pas rare de voir des commentaires du style « mais t’es pas une femme, t’as une tige entre les jambes » « meuf, c’est pas contre toi mais vu ta barbe t’es plus un homme qu’une femme ».

Ce qu’il faut donc retenir c’est qu’être une femme en 2021 c’est être soi, c’est être libre de se définir en tant que tel si on le désire. Il n’existe, dans le fond, aucune règle pour définir un genre car la définition d’un genre est propre à chacun et ne doit pas prendre en compte les organes génitaux ou la pilosité. Le plus important est de se sentir bien dans le genre auquel on s’identifie car être un homme, être une femme ou être non-binaire n’empêche en rien le fait d’être féministe et de lutter pour une égalité des genres car être féministe, c’est comme être de gauche, de droite ou être végétarien : il n’y a pas besoin de définir son sexe pour l’être.
Laetitia Blondeau
Sources :
INED, L’âge aux premières règles
Wikipédia, « On ne naît pas femme, on le devient »
Decadree.com, #12 Woman – que veut dire «être une femme» ?
Centre Hubertine Auclert, « C’est quoi être une femme ? »
Le Parisien, JK Rowling étrillée sur Twitter pour «transphobie»
Le Figaro, J.K. Rowling publie des tweets jugés transphobes et s’attire les foudres d’Harry Potter