Des rues assombries par la foule, mégaphones à la main et brandissant des pancartes aux revendications claires : voici une représentation courante de la protestation. Un terme assimilé à manifestation, où les participants dénoncent une injustice, une décision, un mouvement : c’est l’affirmation d’opinions fortes. La protestation est l’expression d’un refus, et la conséquence d’un sentiment d’injustice et de volonté de changement. Si elle se manifeste par une forme verbale et gestuelle dans certains cas, il ne faut pas exclure que la protestation prend des aspects différents. La culture et la protestation s’entremêlent lorsque les artistes s’emparent des polémiques : à travers des moyens d’expression singuliers où la bombe de peinture remplace la pancarte en carton, la culture devient la voix des artistes qui prennent part à la protestation. Pour introduire le thème de l’association Empreinte, parcourons les liens entre la culture et la protestation.
La culture, une liberté d’expression pour les artistes
Nous pouvons nous questionner sur le choix des artistes de s’exprimer à travers la culture : est-ce pertinent ? Le message est-il atténué, entendu, perdu ?
La culture possède l’avantage de la forme : une peinture, un tag, un film, une scène de théâtre, attireront davantage l’attention et la dénonciation aura tendance à marquer le public. Un message choquant restera en mémoire du spectateur et l’encouragera à s’interroger sur le sujet. Pouvoir créer une opinion et l’influencer par la culture est un moyen plus ludique de dénonciation que les manifestations, qui peuvent avoir une image négative (nuisances sonores, embouteillages, violences).
La culture joue de l’avantage de la subtilité, en pouvant réussir à faire passer un message ou encourager un comportement différemment. Par exemple, l’utilisation de l’humour comme dans les sketchs permet de désacraliser un débat.
Les œuvres sont inscrites dans le temps selon le choix de l’artiste : c’est une dénonciation qui n’est pas limitée contrairement à une manifestation qui s’inscrit dans une durée. Un message peut ainsi être réutilisé selon les contextes, et la participation à une lutte par un artiste n’est pas éphémère.
Opinion et volonté de changement : sous quelles formes la culture permet-elle la protestation ?
Tartuffe de Molière, Le mariage de Figaro de Beaumarchais, Germinal d’Emile Zola,
« Melancholia » de Victor Hugo… Nombreuses sont les œuvres étudiées lors du bac français qui dénonçaient la société et ses travers. Le roman, le théâtre et la poésie ont été largement présentés comme des moyens de protestation.
Sur un aspect plus visuel, impossible de ne pas revenir sur le street art : Banksy ou encore Blu utilisent les murs comme toiles pour dénoncer. Exposés à la vue de tous les passants, leurs messages sont forts et impactants et parcourent les thèmes de l’environnement, de la guerre, des inégalités…

La société de consommation est aussi un thème très représenté par les artistes, comme ici dénoncé par le sculpteur Julien Garcia, qui met en parallèle notre mode de consommation à ses déchets, et recycle le plastique dans la création de ses œuvres.
Le spectre musical n’est pas en reste dans les moyens de protestation et fait aussi le tour du globe et des années :
- À l’international, les thèmes du racisme et des violences policières abordés par la chanson Blue lights de Jorja Smith et This is America de Childish Gambino,
- Un retour en arrière dans les années 90 avec l’immigration par L’Aziza de Daniel Balavoine, où il rend hommage à sa femme d’origine juive marocaine,
- Plus récemment, l’harcèlement sexuel avec Balances ton quoi de Angèle.
Évidemment, les réalisateurs continuent de dénoncer dans leurs films avec des thèmes variants de la discrimination avec La couleur des Sentiments (réalisé par Tate Taylor en 2011 d’après le roman de Kathryn Stockett), de l’inégalité homme-femme avec Des femmes et des hommes, de l’esclavage avec 12 Years as a slave, et de l’environnement avec Une vérité qui dérange.
Le champ d’expression des artistes à travers la culture est large et contribue aux luttes pour lesquelles les voix se rassemblent.
Dans la protestation, la culture permet d’inscrire des moyens différents de poursuivre un combat qu’il est important de légitimer. De même, on comprend que ces actions prennent de l’ampleur et vont plus loin qu’une simple dénonciation : en 2020, cinq lauréats ont reçu le prix de l’artiste citoyen engagé. Un nouveaux prix français et espagnol, qui représente une initiative novatrice et encourage le changement.
Et vous, par quels moyens d’expression culturelle mèneriez-vous votre protestation ?
– Jeanne Delahaye, L3 ICE et Trésorière