Roxane Gay, une « bad feminist » ?

Crédits : Jennifer Silverberg, The Guardian

Comment concilier un engagement féministe et des contradictions ? Peut-on se considérer comme féministe même si nous ne parvenons pas à atteindre les exigences du mouvement féministe ? Roxane Gay, figure essentielle du nouveau féminisme aux États-Unis, a son avis sur le sujet.

Une écrivaine engagée qui revendique le « féminisme imparfait »

Roxane Gay est une écrivaine américaine, inspirée par la féministe afro-américaine Bell Hooks. En 2014, elle publie l’essai Bad Feminist, qui devient rapidement un best-seller. Femme, noire, bisexuelle et obèse, son talk TEDx Confessions of a bad feminist l’a notamment propulsée porte-parole intellectuelle et grand public des minorités.

Cet ouvrage rassemble une série d’écrits divers traitant des questions culturelles et politiques, de race et de genre. La particularité majeure est le fait que Roxane évoque ces thématiques en se fondant sur sa propre histoire de femme noire dans l’Amérique contemporaine. Elle relate par exemple ses difficultés d’enfant à trouver dans la littérature, des modèles identificatoires, parmi les héroïnes, majoritairement blanches et aisées. Dès l’introduction, le ton est donné. En effet, Roxane Gay explique qu’être féministe ne signifie pas forcément être libre car c’est un mouvement social qui est aussi jugé, questionné par la société. La société voudrait aussi se conformer au féminisme : on peut être féministe et le revendiquer, mais à condition de respecter les règles établies par la société.

De ce fait, elle propose de réinventer le féminisme, de s’en émanciper, avec le « féminisme imparfait ». Pour l’illustrer, elle cite des exemples personnels en confiant ses propres contradictions : elle aime les choses féminines, porter du rose, écouter du rap avec des paroles qui représentent les femmes comme des objets sexuels. D’après elle, ces contradictions sont compatibles avec son activisme pour la défense de l’égalité des sexes. « Je revendique le label de mauvaise féministe parce que je suis humaine. Je suis bordélique. Je n’essaye pas d’être parfaite. Je ne dis pas que j’ai réponse à tout. »

Plus généralement, Roxane Gay évoque le féminisme en insistant sur l’importance d’une approche multi perspectiviste du féminisme en plaidant pour un féminisme inclusif, intersectionnel, prenant en compte la race, les ressources économiques, ou encore la sexualité. Elle affirme également qu’il ne faut pas culpabiliser les femmes lorsque leur féminisme n’est pas ce que certains appellent « Good feminism ». Elle explique alors qu’il y a de multiples façons d’être féministe car les féministes sont avant tout des êtres humains avec leurs propres personnalités, expériences et préférences.

Le début d’un nouveau féminisme, décomplexé et libérateur ?

L’expression « Bad feminist » interroge sur la dimension libératrice, de l’auteure, vis-à-vis de sa propre définition de la pratique du féminisme, qui semble manichéenne. Est-elle limitée ?

Comme le précise Roxane Gay, elle se qualifie comme tel, avec humour, car elle reconnaît ne pas être en mesure d’arriver à la hauteur des exigences perfectionnistes du mouvement féministe. « Je préfère être une mauvaise féministe que ne pas être féministe du tout » confit-elle. Par une réflexion quelque peu révolutionnaire sur l’état actuel du féminisme, l’écrivaine assume et revendique un « féminisme imparfait« , humain et non culpabilisateur, qui selon elle, peut être impactant. Par cet ouvrage, elle invite surtout ses lecteurs à faire les « petits choix » qui mis bout à bout, pourraient conduire à des changements réels. Aussi, elle incite chaque lectrice à mener sa propre réflexion au regard de son histoire et à se créer sa propre définition, de ce que c’est qu’être féministe, et offre ainsi une ample liberté d’interprétation et d’appropriation du sujet féministe.

Bien plus qu’un simple nouvel ouvrage féministe, le recueil a été qualifié par un critique du magazine Time comme un « manuel sur la façon d’être humain ». De son côté, Roxane Gay considère que « Bad Feminist » définit son rôle de féministe et l’influence de ce statut sur son écriture : « J’essaie de montrer comment le féminisme influence ma vie pour le meilleur ou pour le pire. Il montre simplement comment se déplacer dans le monde en tant que femme. Il ne s’agit pas seulement de féminisme, il s’agit de l’humanité et de l’empathie. »

Par ailleurs, il est intéressant de lire cet ouvrage pour son prisme « cultural studies ». Comme beaucoup de penseurs américains fervents de ce mouvement de recherche, Roxane Gay observe le social à travers le spectre de la pop culture. En portant un regard sur notre société, l’écrivaine reconnaît l’influence des produits culturels, que nous consommons, dans la construction de nombreux stéréotypes qui finissent par nous définir. Quelle solution ? « Je pense que le féminisme est une fenêtre utile pour repenser la pop culture » confiait l’écrivaine en 2014. Sept années plus tard, nous pouvons effectivement observer des changements dans la pop culture, nourris par une certaine réflexion du féminisme.

Pour comprendre davantage Roxane Gay et sa notion de « Bad feminism », nous vous invitons à visionner son talk TEDx « Confessions of a bad feminist » : Confession d’une mauvaise féministe, Roxane Gay, TED Women 2015


Sources :

Roxane Gay, Wikipédia

Bad Feminist, Wikipédia

Roxane Gay révoltée de la normalité, Libération

Faut-il être mauvaise féministe ?, Les Inrocks

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